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Quelques leçons du jour d’après. JP Boudine, 11 avril 2022

mardi 19 avril 2022, par Club Politique Bastille

Quelques leçons du jour d’après

Ainsi, pour la troisième fois : 2012, 2017, 2022, nous échouons. Nous sommes troisième, nous faisons 22%, il nous a manqué peu de voix pour aller au second tour.
Il a été dit et répété que l’élection présidentielle est, dans cette Vème République que nous voulions enter rer, l’élection clef. C’est cette échéance cruciale que nous manquons pour la troisième fois.

Qui, "nous" ? Ceux qui se sont rassemblés autour d’un audacieux programme social, écologique et démocratique avec Jean-Luc Mélenchon, Jacques Généreux, Charlotte Girard, François Ruffin, Clémentine Autain, Adrien Quatennens, Mathilde Panot et quelques autres. Nous, les quelques milliers de militants. Et les millions d’électeurs. Et au delà, tout ceux, même s’ils ont "mal" voté, qui espéraient des jours meilleurs, plus de justice, plus d’égalité, plus de respect de l’environnement. Ceux qui espé raient qu’on allait mieux les entendre.

C’est le moment de se souvenir de l’injonction spinozienne :

"Ni rire, ni pleurer, comprendre".

Nombreux sont ceux qui, comme moi, voulaient substituer à la recher che de la personnalité devant laquelle tous les dirigeants politiques de gauche s’effaceraient, la constitution d’une ÉQUIPE unitaire menant campagne et désignant celle ou celui dont le nom ornerait le bulletin "à la courte paille".

C’est le sujet de cet essai :

... Ni Tribun

Ils peuvent aujourd’hui proclamer amèrement "Nous avions raison".
Jean-Luc Mélenchon et sa garde proche se sont entêtés dans leur stratégie. Il affirmait que LUI seul pouvait et devait réussir le rassemblement de la gauche, et ainsi, bien au delà de la gauche.

Il n’y a eu aucune discussion en 2020 avec le PS, le PCF et les écologistes. Les désaccords ont été proclamés par Jean Luc Mélenchon insurmontables... et cela fait grincer des dents ceux qui, dans l’hebdomadaire Politis, par exemple, ont regardé de près les pro grammes, voire en ont confronté les partisans.

La démarche de Mélenchon a fait que, dans chacun de ces trois partis, les personnalités les moins ouvertes à l’ idée de rassemblement se sont trou
vées projetées en avant mécanique ment, du fait que celles qui auraient voulu de l’union se trouvaient face au NON de Mélenchon.

Ainsi fonctionnent les prophéties auto réalisatrices : "PCF, PS, EELV ne veulent pas de l’unité !"

Pourtant, fin 2021, il a semblé que, contre toute attente, JLM pouvait réussir son pari. Une certaine dose de rassemblement se faisait autour de sa candidature, parce que, que cela plaise ou non, si on voulait un candidat progressiste au second tour, ce ne pouvait être que lui. L’union "à la hussarde" semblait réussir. Contre toute bienséance et contre toute logique, mais un combat est un combat où seule compte la victoire, et non la bienséance ni la logique. Il fallait voter utile, voter efficace, voter adulte.

1

Jean-Luc Mélenchon, il est à peine besoin de le rappeler, a fait une excellente campagne, avec de très beaux meetings. Cependant, Il a échoué. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons.

Concernant la première, il me vient une comparaison astronomique, ce qui pourra surprendre. Naguère le système solaire comportait neuf planètes. Puis "PLUTON" a été déclassé. Ce n’est pas une planète, en particulier parce qu’il y a d’autres gros objets sur sa trajectoire. Les astrono mes disent que Pluton "n’a pas fait le ménage sur sa trajectoire". Il me semble que c’est l’une des explications de l’échec de la campagne de Mélenchon. Il restait des progressistes au PCF, il en restait chez les écologistes, et même au PS !

La méthode Mélenchon : "Derrière moi, ou rien" n’a pas fait le ménage. Ce n’était pas une campagne unitaire. Mélenchon, et ses conseillers, ont radicalement sous estimé le poids du mot "unité" pour les travailleurs, qui n’ont guère le temps d’analyser les arguments et les réfutations. N’allons pas croire qu’il ne s’agit ici que d’addi tions de pourcentages.

Il y a des effets multiplicatifs de ce mot "unité"...

Cet échec doit beaucoup à un phénomène qui a été l’objet de l’essai : ...Ni Tribun.
Les peuples ne sont pas autant que jadis prêts à se rassembler derrière un grand homme.

Ils ont été trop souvent trahis.

Pour les législatives, la cuisine politicienne usuelle se fera. Un peu de réa lisme et de modestie seront bien uti les : Mélenchon a fait 22% des voix, mais du fait du vote utile. Ce vote se décompose en, par exemple, 12% de conviction et 10% de "moindre mal". Aux législatives, il n’y aura pas de vote utile, ce sera chacun pour soi. Il conviendrait donc de ne pas se montrer "arrogant et dominateur"...

Pour un grand parti éco-socialiste démocratique.

C’est, on le verra, la question aujourd’hui dominante. Mélenchon a fait 22%, et pourtant, sans la main chari table de François Bayrou, il n’arrivait
pas à réunir les 500 parrainages ! Quelle absence d’implantation dans le pays !

Au soir du premier tour de 2017, j’attendais de Mélenchon qu’il crée le grand parti socialiste, écologique et démocratique. Il avait alors le soutien de sept millions d’électeurs et l’engagement sur la plateforme insoumise de presque cinq cent mille insoumis.

C’est un fait que les deux grands partis séculaires des travailleurs, le PCF et le PS, ont aujourd’hui à peu près dispa ru, non sans raisons. Ce vide appelle un grand parti, social, écologique et démocratique. À défaut, des groupes fascistes prendront la place.

J’appelle "grand parti" un parti de plus de trois cent mille membres actifs.
Il existe un programme plausible : L’Avenir En Commun élaboré par nombre d’excellents spécialistes sous l’impulsion de Mélenchon et, pour la première version, en partie inspirée du programme "l’humain d’abord", sous la direction de Charlotte Girard et de Jacques Généreux.

Manque la décision de le fonder : des cartes, des statuts, l’élection d’un délé gué pour trois cent cartes, un congrès à l’automne.

2

Qu’est-ce qu’un "grand parti" ? C’est un organisme qui vit chaque jour sa relation avec les millions de travail leurs de toutes catégories. Qui connait dans le détail les problèmes des gens, de toutes catégories sociales. Qui pénètre régulièrement dans chaque rue de chaque quartier, dans chaque agglomération de chaque petit village perdu.

Qui fait des "maraudes" pour aider ceux qui dorment dehors.
Qui est lié aux "grands frères" dans les cités.
Qui sait pourquoi les gens s’abstiennent, nourrissent des préjugés racistes, votent contre leur classe.

Ce parti a ses radios locales, ses feuil les de choux, il anime des associations sportives, des associations culturelles, des réseaux d’entraide. Il a aussi, au sommet, ses entrées dans la haute fonction publique. Il se lie avec les journalistes d’investigation. Il a son institut de sondages.

Sans les sondages, il n’y aurait pas eu de "vote utile" car un homme seul, un petit aréopage et trois poignées de militants ne pouvaient prouver que leur candidat valait mieux que les autres en 2022. D’autant plus que Mélenchon et la FI ont perdu toutes les élections intermédiaires.

Un grand parti a des positions dans les syndicats et dans d’autres organis mes d’opinion.

Sans en partager les idées, il a de bonnes relations avec tous les partis, et spécialement avec les groupes mili tants que je dirais d’extrême gauche raisonnables.
Il organise pour ses militants des semaines de formation politique. Il participe à toutes les marches, toutes les grèves, toutes les manifestations, il se construit en permanence.

Il accepte en son sein les désaccords et apprend aux militants à les gérer, car ils sont l’essence de l’élaboration dialectique collective. La démocratie dans le parti constitue le grand défi, la clef de voute de l’entreprise.

Il pratique pour ses dirigeants la rota tion des responsabilités. Il évite le trop de personnalisation et le trop de professionnalisation. Qu’on ne soit permanent que pour un temps court.

Un grand parti des travailleurs qui soit démocratique et vivant, est-ce que cela a existé en Europe ?

Jusqu’à un certain point, le mouvement anarchiste espagnol entre 1860 et 1930, le mouvement anarcho-syndicaliste français au début du XXème siècle, le parti social-démocrate allemand à la même période, et même le parti communiste durant les années 1944-1960 en fournissent des images, non du point de vue politique, mais sociologique.

Sans un grand parti démocratique, nous sommes dans la main de nos oppresseurs. Nous ne pouvons parler à notre classe que par l’intermédiaire de journalistes dont les questions impliquent de pauvres réponses, ou depuis des tribunes qui ne permettent pas l’échange.

Sans grand parti, nous sommes dans la main des sondeurs, qui peuvent truquer (et l’ont fait : aucun sondage n’a donné Mélenchon à plus de 17%).

Le pouvoir peut fermer les réseaux sociaux. Et nous ne pouvons pas écouter notre classe, ce que les gens ont à dire, et qui ne se dit pas d’un mot, mais s’éprouve au fil des jours.

3
Sans un grand parti démocratique, nous sommes à la merci des bandes fascistes qui peuvent écraser dans l’oeuf les tentatives de résistance, si elles sont dispersées.
La lutte des classes, et, en particulier, une élection, se gagne chaque jour, tous ensemble dans l’unité d’échanges, de réflexions et d’action. Non pas durant une période électorale, derrière un Tribun, fut-il un brillant pédagogue, mais par l’action de chaque jour du grand nombre.

JP Boudine, 11 avril 2022
Écrire à : pugpesd@gmail.com

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