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Arrêt immédiat des bombardements. Non à l’intervention militaire de Sarkozy et ses alliés en Libye.

vendredi 22 avril 2011, par Club Politique Bastille

Le « printemps des peuples arabes » doit se poursuivre, par Lars Steinau, Bureau National du Parti de Gauche Antoine Vigot, Conseil National du Parti de Gauche.

"La guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens". Karl von Clausewitz

A l’initiative du gouvernement français, secondé par la Grande Bretagne et les États-Unis, le conseil de sécurité de l’ONU a adopté jeudi 17 mars au soir la résolution 1973 qui a déclenché une guerre de l’occident, contraire aux intérêts des peuples arabes en lutte contre leurs oligarchies. Cette guerre, qui ne dit pas son nom, est également contraire au droit international puisque l’article 2. 7 de la charte des Nations Unies interdit à l’ONU « d’intervenir dans des
affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État. », donc de
s’immiscer dans un conflit interne à un État.

Cette guerre impériale trouve sa racine dans le choc que les révolutions arabes ont déclenché au sein des gouvernements occidentaux et notamment chez le gouvernement Sarkozy. La puissance, l’ampleur et l’enthousiasme des mobilisations populaires, sociales, démocratiques ont profondément ébranlé la classe dirigeante française qui était et reste liée par des liens financiers, militaires, économiques et institutionnels à tous les régimes et dictatures du monde arabe, du Maroc jusqu’aux pays du Golfe, en passant par l’Algérie et l’Arabie Saoudite.

L’intelligence du gouvernement français a consisté à se saisir de la situation difficile et fragile de la résistance libyenne face au dictateur Kadhafi pour déclencher une intervention militaire qui vise à retourner l’insurrection du peuple libyen en son contraire et à rétablir la main mise des gouvernements occidentaux sur une région où tous les amis de l’oligarchie occidentale sont menacés par les soulèvements populaires. Il ne fait pas de doute qu’un des objectifs à long terme de la guerre est le contrôle des ressources pétrolières en Lybie. Mais plus fondamentalement, il s’agit d’une tentative de briser le sens politique profond du soulèvement des peuples arabes et d’étouffer l’écho qu’il a dans le monde et notamment parmi la jeunesse et les salariés en Europe.

Car c’est bien de la signification politique des révolutions tunisiennes et égyptiennes, condensée dans le slogan « le peuple veut la chute du régime », qu’il s’agit. L’irruption du peuple sur la scène politique à travers son soulèvement, son auto-organisation, ses organisations politiques et syndicales est la forme que prend le processus révolutionnaire. Cette forme ne peut être séparée du contenu et du projet de ces révolutions qui visent à l’émancipation et à la conquête des droits démocratiques et sociaux. Ni les bombardements des chasseurs français et britanniques, ni l’envoi des missiles des sous-marins américains, ni, la destruction des infrastructures, des routes, des ports etc... ne peuvent avoir comme résultat - voulu ou non voulu - l’avancée d’un processus révolutionnaire populaire.

Nous ne devons pas être dupes de la manœuvre des va-t’en guerre : les puissances à l’origine du conflit n’ont pas soudainement décidé de défendre le peuple en Libye. L’attentisme de ces pays depuis le début du soulèvement, leur soutien verbeux au peuple libyen en lutte n’a été que manoeuvres dilatoires pour laisser s’envenimer la situation afin d’obtenir un prétexte pour intervenir « en dernier recours. ». Il a ainsi fallu attendre jeudi 17 mars au soir pour que l’embargo sur les livraisons d’armes au régime libyen soit mis en application effective et que cessent les achats de pétrole à la Libye : le dernier pétrolier italien a quitté la Libye vendredi 18 mars.

Parce que « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », nous ne pouvons croire que les pays de l’OTAN interviennent pour sauver un processus révolutionnaire qu’ils ont combattu et combattent partout ailleurs : les Clinton, Obama, Cameron et Sarkozy qui ont soutenu jusqu’à la dernière seconde Moubarak et Ben Ali ne sont pas aux côtés des peuples arabes en révolution.

La caution des résolutions de la ligue arabe, dont a argué le parlement européen pour demander la mise en place de la Zone d’exclusion aérienne est un masque d’hypocrisie. Les principaux pays de cette ligue arabe : Yémen, Bahreïn, Émirats Arabes-Unis et Arabie Saoudite sont gouvernés par des dictateurs et monarques autocrates qui répriment dans le sang la révolution populaire au Yémen et à Bahreïn. Dans ce cas, les réserves pétrolières et l’intérêt stratégique du détroit d’Ormuz pour les puissances impériales valent bien un silence complice des parangons de vertu occidentaux qui se piquent de mettre l’humanité entière au pied du mur de leur morale singulière. Faut-il rappeler le silence, lorsque l’armée israélienne pilonnait Gaza, de nombre de ceux qui réclament aujourd’hui une zone d’exclusion aérienne ?
De plus, il faut souligner que s’opposer à la guerre ne revient pas à donner quitus au régime libyen. Face à certains courants politiques qui considèrent Kadhafi comme un « anti¬impérialiste », il faut clairement dire qu’il s’agit non seulement d’un dictateur sanguinaire mais qu’il a toujours entretenu des relations étroites avec les gouvernements européens qui l’ont soutenu et lui ont livrés des armes et l’ont financé. En contrepartie, ceux-ci ont reçu le pétrole du régime despotique et ont trouvé un garde-frontière pour appliquer leur politique migratoire abjecte.

L’opposition à ce régime est la règle qui doit s’appliquer, comme pour tous les dictateurs. Mais la guerre qui vient d’être déclenchée n’est pas une solution qui peut permettre au peuple libyen de s’affranchir de la dictature. Si personne ne connaît l’issue de cette aventure sarkozyenne, il se peut très bien qu’elle aboutisse à l’instauration d’un autre pouvoir oligarchique avec un « Karzai local » qui continuera de servir les intérêts occidentaux sur la base d’une dictature militaire et corrompue. A la lumière de l’expérience afghane, il faut s’interroger sur les interlocuteurs choisis par les Occidentaux en Libye. Faut-il rappeler que Moustafa Abdeldjelil, chef proclamé du Conseil National de Transition Libyen (CNTL), a été ministre à la Justice sous Mouammar Kadhafi de janvier 2007 à février 2011 ?

Depuis vendredi 18 mars, des bombardements notamment des avions français, anglais et américains et des tirs des missiles de la flotte américaine ont lieu ; plusieurs centaines de bombes et missiles se sont abattus sur le territoire libyen.

Les conséquences objectives de ces bombardements sont contraires aux intérêts vitaux de la population. Parce que nous ne pouvons plus être dupés par la fiction des « frappes chirurgicales ciblées », nous savons que les bombes françaises, américaines et anglaises vont toucher des infrastructures essentielles pour la vie quotidienne, qu’elles vont faire et qu’elles ont probablement déjà fait des victimes militaires et des victimes civiles. Les partisans de l’intervention espèrent sans doute que les frappes feront moins de morts que les exactions des troupes de Kadhafi n’en auraient faits, mais si la guerre se prolonge, cela pourrait ne pas être le cas.

Quand aux conséquences politiques de cette campagne, elles sont d’ores et déjà contraires à l’objectif affiché. Les frappes permettent à Kadhafi de se placer en victime d’une agression occidentale et de faire appel au sentiment nationaliste arabe pour ressouder derrière lui une partie de l’opinion, comme en témoigne même, dès dimanche 20 mars la prise de distance de la ligue arabe vis à vis des opérations de la coalition.

Par ailleurs, il est n’est pas garanti que cette aventure belligène en reste aux seuls bombardements aériens. Si les objectifs fixés dans la résolution du Conseil de Sécurité sont « la protection de la population civile » et « un cessez le feu » il est évident qu’une partie des pays de l’alliance guerrière vise davantage : se substituer au peuple libyen pour faire chuter le régime et contrôler directement ou indirectement une partie du pays ou sa totalité. Mais cela ne pouvait pas être inscrit dans la résolution parce que la violation du droit international aurait été trop visible.

C’est pour cette raison que l’engrenage dans lequel Nicolas Sarkozy a fait entrer la France et ses alliés peut conduire, à terme, à une intervention militaire au sol, refusée par la population libyenne. La durée et les conséquences de ce type d’engagement sont imprévisibles. Les cas afghans et irakiens sont là pour nous rappeler qu’une telle solution est une catastrophe pour les peuples, qui paient par centaines de milliers de morts la politique criminelle de ceux qui ont décidé et organisé l’invasion et l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak.

Dans ce dernier exemple réside un argument derrière lequel s’abritent Sarkozy et ses alliés pour entrer en guerre : le mandat international donné par la résolution de l’ONU, qui avait fait défaut aux États-Unis en 2003 et justifierait du point de vue du droit l’intervention présente. Mais le fait que cette guerre ait lieu sous couvert d’une résolution du conseil de Sécurité de l’ONU ne la rend en rien plus légitime. Il n’y a pas à sanctifier les décisions de l’ONU en termes de droit international : le conseil de sécurité, dans sa forme actuelle, est dominé par les puissances impériales qui savent l’utiliser pour leurs intérêts. En 1990-91, la deuxième guerre du golfe a été engagée sous mandat de l’ONU, cela n’avait nullement empêché le mouvement de la paix, les partis de gauche, les associations et les syndicats, peu suspects de sympathie avec le régime de Saddam Hussein, de s’y opposer et de mobiliser contre cette intervention.

Il faut enfin s’interroger sur les objectifs de politique intérieure poursuivis par les dirigeants européens qui prônent l’engagement militaire. Les pouvoirs néoconservateurs et les oligarchies cherchent à détourner la colère des peuples contre les politiques d’austérité qu’ils imposent et à réaliser autour d’eux une union sacrée autour d’un projet « humanitaro¬militaire » dont les seules finalités sont en fait néo-coloniales. Ils tendent ainsi un piège aux forces qui les combattent. En prenant la tête de cette coalition sous prétexte de l’aide apportée aux Libyens, Nicolas Sarkozy a souhaité surmonter ses difficultés intérieures et restaurer son crédit politique, tout en servant les intérêts de la classe dirigeante française : la presse souligne d’ailleurs le consensus relatif qu’il a réussi à obtenir dans le champ politique, un article de Libération du 19 mars pointe par exemple que l’intervention militaire est soutenue par une écrasante majorité de partis (UMP, Nouveau Centre, PS, Verts, Modem et Parti de Gauche).

C’est là un point d’appui que pour notre part, nous refusons de fournir au gouvernement Sarkozy. Si dans toute l’Europe, la social-démocratie et les Verts ont adopté des positions bellicistes et donc soutenu implicitement les options néoconservatrices, l’autre gauche dans sa très grande majorité s’est opposée à une intervention militaire. (Le Parti de la Gauche Européenne (PGE), Die Linke en Allemagne, Synapismos en Grèce, Rifondazione en Italie, Parti Communiste Portugais, Izquierda Unida en Espagne, le PCF, la Gauche Unitaire et le NPA en France etc...)

Avec eux, nous pensons que c’est au peuple libyen de se libérer par lui-même. Une aide logistique et matérielle à ceux qui ont porté l’insurrection eut dû intervenir depuis plusieurs semaines, mais nous ne sommes pas comptables des conséquences de la politique des Sarkozy, Cameron et autres va-t-en guerre. Dans la situation actuelle, seul un arrêt des bombardements occidentaux et un cessez le feu entre toutes les parties peuvent permettre à la paix de reprendre ses droits et de trouver une solution au conflit en cours, qui ne renforce pas les oligarchies dont les peuples doivent se débarrasser de chaque côté de la Méditerranée.

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