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Aujoud’hui Ben Aly, demain Sar Kosi…, par Francis Pallares

mercredi 5 janvier 2011, par Club Politique Bastille

Nous avons tous été surpris et enthousiastes en apprenant la chûte de Ben Ali. Pour autant, comme le disait Antonio Gramsci « il faut allier le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de l’action »

1 – Les « experts », depuis longtemps, n’ont cessé de répéter que les peuples africains, asiatiques, « arabo-musulmans », ibéro-américains ou d’Europe du Sud, etc… étaient incapables de se hisser au niveau du « monde occidental » ou de l’Europe septentrionale. Après tout, la Bolivie, l’Espagne, la Grèce, le Portugal, la Tunisie, Haïti, l’Algérie, le Congo, ne partageaient pas les mêmes « valeurs » que « l’Occident » et n’avaient que ce qu’ils méritaient : des dictatures et des tyrannies. « Et heureusement … car sinon ce serait le fanatisme ou pire, l’anarchie ». (« Ces gens-là, vous savez, ils ne sont pas encore mûrs pour la démocratie. Et encore… ce sera un long processus pour ces mentalités arriérées…etc » ) C’est un démenti cinglant à cette sinistre « recette » paternaliste et réactionnaire.

2 - On nous parle de quelque chose « d’inédit » pour les pays « arabes » [sic] C’est absolument faux. Les Révolutions ont très vite été confisquées et trahies directement par l’ex-puissance coloniale (Maroc) ou grâce à la collusion des partis nationalistes petits-bourgeois ( néo-Destour ou FLN dans le cas de la Tunisie ou de l’Algérie) avec l’ex- puissance coloniale (la bourgeoisie française en l’occurrence) Mais ce cas pourrait être généralisé à toutes les « Décolonisations ». (exception : l’Indépendance des USA en 1776) On peut l’étendre au cas belge, portugais, hollandais, espagnol ou britannique. Qui peut nier, par exemple, qu’en Algérie il y eut Révolution ? Certes, elle fut très vite trahie et confisquée. Après l’Indépendance, il y eut une véritable « épidémie » de suicides de jeunes femmes qui avaient combattu les armes à la main. Mais pourtant, ce fut une authentique Révolution ! Et même en Tunisie, certes Bourguiba usurpa la souveraineté du peuple. Mais il n’en demeure pas moins, que les confréries religieuses furent mises au pas : confiscation des waqf (biens de main-morte). Nasser fit de même. Bourguiba s’inspirait visiblement de la Révolution française - Biens nationaux- ou des Libéraux du XIX ème siècle en Espagne -Desamortizaciones -. Sous des modalités différentes, pour le Congo, l’Iran ou le Tanganika, etc., ce furent de véritables Révolutions.

3 - Révolution du « jasmin » ? On essaye de nous parler d’un processus « délicat », « civilisé » (le jasmin ! et pourquoi pas l’orchidée ou la fleur d’oranger ?) Mais cela a coûté des milliers de morts et de gens torturés, depuis des années ! Sans oublier les milliers d’émigrés rançonnés, assassinés ou noyés dans les « pateras » en essayant de gagner la Sicile ou l’île de Lampedusa ! Qui ne pense à la courageuse avocate qui a fait sa grève de la faim l’an dernier, dans un quasi silence, et qui a dû en garder des séquelles (aveugle ?) C’est UN DEMI-SIECLE de dictature depuis Bourguiba !(autant que le Portugal) Et qu’un gamin se suicide par le feu à la manière des bonzes, c’est horrible d’en arriver là ! Quelle dose de désespoir ! Et en même temps, si l’on voit « l’hommage » que mérite le sacrifice de Jan Palach à Prague : une plaque en aluminium de 40 cm sur 30 au ras du sol où les chiens en promenade viennent faire leurs besoins ! Du jasmin tout ça ? !

4 - Tunisie ? Peut-on reconstituer ce qui s’est passé ? Apparemment, les Nord-Américains ont très vite compris et apprécié la gravité de la situation (bien avant l’Etat français, absolument aveuglé par ses liens de corruption et de clientélisme) Ils ont aidé l’Armée tunisienne (en la personne du général Rachid Ammar) à éjecter très vite Ben Ali avant qu’il ne soit trop tard, afin de prendre les masses de vitesse. Finalement un procédé très classique. De même, au Portugal, Spinola en 1974 pensait
anticiper le mouvement révolutionnaire. Lafayette lors de la fuite de Varennes rn 1791, croyait lui aussi sauver le Roi en prétendant qu’il avait été enlevé. En Italie, de 1945 à 1946, les derniers fascistes et les staliniens essayèrent, jusqu’au bout, de maintenir l’Etat tel qu’il était en soutenant, coûte que coûte, le maintien de la Monarchie.
5 - Pour l’instant l’Etat tunisien n’a pas été touché. L’appareil d’Etat est intact. Pour l’Ordre capitaliste c’est là l’essentiel. Le parti unique bénaliste a toujours la police, une partie de l’armée et 40 000 hommes armés (fonctionnaires du parti, tortionnaires, affairistes et mouchards) L’UGTT a collaboré tant qu’elle a pu avec Ben Ali. L’Armée est certainement traversée de courants contradictoires (comme l’était le MFA au Portugal, de l’extrême-gauche au fascisme pur et dur, d’Otelo de Carvalho à Antonio de Spinola) Il n’y a eu que les avocats et la Ligue des Droits de l’Homme à avoir le courage de tenir tête au Parti Unique. De plus, comme en Espagne sous le franquisme, toute la société est grangrênée par la corruption (conséquences pour l’avenir… ?)
Une chose est claire, l’Etat est arrivé à imposer un couvre-feu. Cela avait absolument été impossible au Portugal en 1974 ! Les masses se limitent à manifester devant le siège du pouvoir, « la forteresse » (« al Casba ») Mais pour le moment elles ne l’ont pas prise d’assaut en égorgeant au passage les tenants de Ben Ali. Ce qui serait le signe d’une véritable Révolution. Il y a enfin des illusions (inévitables dans ce cas concret) sur l’Armée. Les forces étatiques ont toujours les armes. Le peuple n’a que des bâtons. Ils semblent commencer à constituer des Comités autonomes. Mais les ministres sont toujours les mêmes que sous la dictature. Ils sont aux postes clés : Intérieur, Justice, Finances. Ce n’est pas encore une authentique Révolution, capable de faire table rase du passé. Cela n’enlève rien à l’admiration que l’on éprouve envers le courage de la jeunesse et du peuple de Tunisie.

6 - Pour l’Europe (et la France) nous n’avions pas mesuré à quel point le personnel politique français était incompétent et stupide. Sarkozy (c’est lui, en personne, qui a donné l’orientation des déclarations d’Alliot-Marie !) a été aveuglé par ses propres préjugés et sa suffisance imbécile (« Jupiter aveugle ceux qu’il veut perdre ») Sa bêtise (due aux liens récipoques de corruption avec la bourgeoisie compradora tunisienne et avec l’appareil de répression) aura des conséquences. En France, mais aussi internationalement. Sarkozy est apparu aux yeux de tous comme le misérable étai d’une planche pourrie. Une incompétence absolue. Quid du projet fumeux de « l’Union pour la Méditerrannée » ? Quid de l’impérialisme-croupion français ? Quid de la présidence improbable du G 20 ? … et quid de l’avenir d’un régime aussi honni que celui de Ben Ali en France ? Eh oui, le roi est nu. Malgré les Thibault, Chérèque, Mailly, Strauss-Kahn, Valls, Aubry, Royale, Hollande and Co.
Le peuple tunisien nous donne une leçon extraordinaire. Nous n’avons que trop tendance à surévaluer les capacités matérielles et intellectuelles de ces gens là. Ces gens qui nous gouvernent sont des misérables. Une chose semble claire, l’image de la politique de Sarkozy et de sa bande est désastreuse. Le piteux « mea culpa » de la dernière conférence de presse vaut son « pesant de cacahuètes » (sans mauvais jeu de mots). Minable. La honte et le déshonneur. Mais il est vrai qu’à part les décorations, légions et breloques diverses conférées à leurs copains, ces bandes de coquins et de canailles qui nous gouvernent n’ont pas la moindre idée d’honneur ni de dignité..
En cela la Tunisie est un formidable appel d’air pour les travailleurs et jeunes d’Europe.

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