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Pour la démocratie à venir, Laissez parler les citoyens ! Michèle Riot-Sarcey

jeudi 16 février 2017, par Club Politique Bastille

Pour la démocratie à venir,
Laissez parler les citoyens !

Des petits collectifs de plus en plus nombreux, échangent, se lamentent, cherchent des solutions, des personnalités connues et moins connues, intellectuelles ou non, sont sollicitées afin d’apposer leur signature en bas de textes qui en appellent à la raison, à l’unité des candidats de gauche afin de rassembler le futur électorat et d’éviter la dispersion des voix. Les aspirants à la présidence de la République, semblent, en apparence, sensibles aux pressions des électeurs. Mais publiquement ils ne transmettent aucunement les propos critiques de ceux qui les interpellent. Nous le savons, « il n’est pas certain qu’un plus un fasse deux », selon les termes d’un des porte-paroles. Ces professionnels de la politique se sont auto proclamés représentants du peuple et rivalisent d’initiatives en « live », dans l’air du temps, entre blog et réseaux sociaux, images filmées, brèves interventions, régulièrement répétées avec formules choc, reproduites à l’infini. Les meetings ressemblent de plus en plus à un show télévisé. La jeunesse, toujours placée au premier rang détient une place de choix avec ses visages rayonnants, où la diversité « culturelle » est savamment dosée, cadrée dans l’image car il faut qu’elle soit vue.

Mais est-elle entendue ? À travers cette campagne électorale à l’américaine, en hologramme, ou pas, les propagandistes attachés à la personne du candidat peuvent dire que l’illusion est parfaite et la substitution réussie quand la présence virtuelle est plus importante que la participation réelle de ceux qui auraient quelque chose à lui dire. Le but du jeu consiste ensuite à dénombrer l’assistance dans différentes villes, simultanément. Le plus battant aura réuni un plus grand nombre de futurs électeurs par rapport à l’autre, le même jour, en même temps. Et toujours la voix des participants reste muette. Le discours tiré au cordeau, pesé, préparé au millimètre ne laissera aucune place au débat, encore moins à la controverse. L’appareil publicitaire fait son œuvre en gommant toute aspérité critique, le discours politique est désormais vendu comme une marchandise … au plus crédule. À défaut d’être convaincu, le ou la plus sceptique acceptera de donner sa voix pour éviter le pire.

Alors qu’on ne vienne pas nous parler de démocratie, de refonte des institutions, de participation citoyenne. Il n’en est rien. Au XIXe siècle les ouvriers se sont tus après l’écrasement des révolutions qui a imposé « silence au pauvre ». Aujourd’hui la parole, parcimonieusement donnée, est un faux semblant tant elle n’est sollicitée que pour faire écho à la propagande du candidat.

Si nos « représentants » de gauche disaient le vrai, il y a bien longtemps que leur meeting aurait changé de visage et rassemblerait le plus grand nombre en donnant la parole à tous et à chacune, en envisageant de grands échanges publics sur les thèmes d’actualité, comme le travail, l’immigration, la guerre et l’irrésistible ascension du Front National….

Après les révélations de l’affaire Fillon et les malversations de la famille Le Pen, les candidats opposés au néolibéralisme ont un boulevard devant eux s’ils acceptaient d’en appeler à la responsabilité des citoyens capables, on le sait, de prendre en mains leurs propres affaires au niveau local comme au niveau national. À condition bien sûr d’imaginer demain différent d’aujourd’hui. Chacun dit vouloir la participation de tous … pour demain. Quelle participation souhaitent-ils vraiment ? Ont-ils en vue la fondation d’une démocratie réelle et pas seulement parlementaire ? Une démocratie où chacun prendrait la mesure des tâches à accomplir partout, dans les communes, les quartiers jusqu’à l’Assemblée Nationale où les citoyens seraient appelés à faire des propositions dont les représentants devraient être comptables, devant eux.

Soyons utopique maintenant, imaginons un possible changement dans les pratiques des candidats. Quelques semaines restent encore. Pourquoi ne pas inviter dans leur meeting les femmes et les hommes vivant sur notre sol en leur donnant la parole sur tous les thèmes d’actualité afin que le rassemblement se transforme en grand débat public où chacun pourrait donner son avis sur le programme des candidats à la manière des républicains authentiques de 1848 qui envoyaient au gouvernement provisoire d’alors, désigné à la hâte après la révolution de Février, toutes sortes de propositions en vue de réformer la société et d’organiser les travailleurs afin de mettre en œuvre la République démocratique et sociale. Les candidats de gauche se réclament de cette république voire d’une France insoumise qui s’est exprimée il n’y a pas si longtemps sur les places publiques, l’ont-ils seulement écoutée sinon entendue ?

Un sursaut est encore possible afin d’éviter la catastrophe annoncée. Messieurs et dames effacez-vous ! Il est grand temps de faire entendre, non plus les candidats, mais tous ceux et celles – et ils sont nombreux– qui, ces dernières années, ont écrit des textes, sont intervenus, ont débattu, le plus souvent dans les lieux publics en faveur de l’édification d’une nouvelle démocratie. Rendre la parole aux citoyens est l’urgence du moment.

Cessez votre propagande « publicitaire » pour écouter ceux et celles que vous prétendez représenter en « les faisant taire ».

Michèle Riot-Sarcey, historienne, auteur du Procès de la Liberté, Editions de la Découverte, 2016.

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