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Le printemps des peuples arabes, par Bernard Fischer
samedi 5 février 2011, par
Tout commençait donc le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid par l’immolation par le feu d’un jeune vendeur de fruits et légumes. Encore une fois, l’étincelle mettait le feu à la plaine. L’explosion de cette bombe nucléaire provoquait un énorme tremblement de terre. L’onde de choc atteignait Tunis le 14 janvier 2011 et elle balayait le régime de Ben Ali. Elle atteignait Le Caire le 25 janvier 2011 et elle provoquait la chute de Moubarak le 11 février 2011. Elle atteignait déjà Alger, Rabat, Tripoli, Manama et Sanaa et elle atteindra toutes les capitales arabes. Elle traversera la Mediterranée.
Cette révolution avait des causes et aura des conséquences nationales et régionales, économiques et politiques. Le pouvoir demande l’intervention de l’armée contre le peuple, l’armée refuse l’intervention contre le peuple, il y a des scènes de fraternisation entre les soldats et le peuple et des barricades dans les rues de la capitale. Ce sont les images classiques de toute révolution, quand en haut on ne peut plus et quand en bas on ne veut plus du gouvernement du vieux monde, en application de la célèbre citation de Lénine.
Misère, corruption, népotisme, dictature, nous connaissons tous les causes économiques de la révolution arabe. La Tunisie de Ben Ali et l’Egypte de Moubarak étaient des piliers de l’ordre impérialiste dans la région. C’était la dictature en échange d’une croissance économique relative. Mais la croissance économique profitait à la famille du dictateur et ne profitait pas au peuple. La crise générale du mode de production capitaliste en 2008 provoquait la fin de cette croissance relative. C’est la base la plus fondamentale de la révolution populaire arabe.
De nombreux messages faisaient déjà la comparaison entre la chute du mur de Berlin en 1989 et le printemps des peuples arabes en 2011. Cette comparaison est importante pour les raisons suivantes. Pendant plusieurs dizaines d’années après la fin de la deuxième guerre mondiale en 1945, la coexistence pacifique entre l’impérialisme américain et la bureaucratie soviétique dominait le monde. L’impérialisme américain avait besoin de la fiction d’une opposition mondiale, la bureaucratie soviétique ne menaçait plus depuis longtemps l’impérialisme américain. La base idéologique la plus forte de cette coexistence pacifique était la double mystification, la double imposture, la double propagande selon laquelle l’impérialisme serait la démocratie et le socialisme serait la dictature. La chute du mur de Berlin en 1989 et la disparition de l’union soviétique en 1991 laissait l’impérialisme américain sans opposition mondiale.
Pendant vingt ans, entre 1991 et 2011, l’impérialisme américain fabriquait une nouvelle opposition mondiale fictive en lieu et place du communisme soviétique, il inventait la guerre des civilisations contre l’islamisme politique international. Il provoquait deux guerres coloniales au nom de la démocratie, la guerre d’Afghanistan en 2001 et la guerre d’Irak en 2003. Les véritables raisons de ces guerres ne sont bien évidemment pas des guerres pour la démocratie, ce sont des guerres pour Israël et pour le pétrole. Les Etats Unis installaient et défendaient depuis toujours des régimes théocratiques, dictatoriaux et liberticides dans les pays du tiers monde en particulier dans les pays arabes. La démocratie impérialiste, c’est depuis toujours la démocratie pour les riches et la dictature pour les pauvres.
La guerre pour la démocratie sera une fatale erreur du point de vue de l’impérialisme américain. Pendant vingt ans, ils défendaient donc des régimes autoritaires au nom de la lutte contre l’islamisme politique, au nom de la fausse alternative entre Moubarak et Ben Laden, entre Ben Ali et Ben Laden, entre Bouteflika et Ben Laden, et ainsi de suite. Ni Moubarak, ni Ben Ali, ni Bouteflika, ni Ben Laden, c’est la réponse vingt ans plus tard de la révolution démocratique anti impérialiste des peuples arabes à cette fausse alternative. L’enveloppe charnelle du vieux de la montagne disparaissait une dernière fois en 2001 en Afghanistan dans la région de Tora Bora.
Une autre cause importante de la révolution démocratique arabe, ce sont bien sûr les nouveaux moyens de communication électroniques, c’est la révolution électronique. La révolution tunisienne est la première révolution Wikileaks. Internet, Wikileaks, Facebook, Twitter, les nouveaux moyens de communications électroniques remplacent et remplaceront de plus en plus les quotidiens et les vieux moyens de communications électroniques, les radios et les télévisions des états et des lobbies militaro industriels. Il y a et il y aura de plus en plus de procès contre les gestionnaires des sites et des blogs électroniques. Les bureaux et les journalistes de Al Jazeera sont et seront de plus en plus les cibles des soldats étatsuniens en Afghanistan et en Irak et des dictateurs arabes. Assange, c’est Josué. Les trompettes de Wikileaks tourneront sept fois autour des murailles de la citadelle impérialiste et les murailles de la citadelle impérialiste tomberont.
Il y a une discussion relative à la qualification des évènements de Tunisie et d’Egypte de janvier et février 2011. Les révolutions arabes sont des révolutions démocratiques, ce ne sont pas de simples révoltes et de simples jacqueries, ce ne sont pas des révolutions socialistes, ce sont des révolutions démocratiques.
Il y avait la même discussion dans l’émigration russe il y a un siècle entre 1905 et 1917 à l’intérieur du parti ouvrier social démocrate de Russie. Les deux principales positions étaient les suivantes. Trotsky défendait l’un des premiers la dictature du prolétariat, le passage direct de l’autocratie tsariste au socialisme, la réalisation en même temps du programme de la révolution démocratique et du programme de la révolution socialiste. Lénine défendait la dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie, une alliance des principales classes sociales de la société russe sous la direction du prolétariat. Il y avait finalement deux révolutions en Russie, la révolution démocratique de février 1917 et la révolution socialiste d’octobre 1917 et un intervalle de six mois entre les deux révolutions.
Il n’y a pratiquement plus aucun rapport entre la Russie de 1917 et le monde arabe de 2011. Le seul point commun, c’est finalement le mode de production capitaliste lui-même. Et pourtant, lisez les principales contributions de ce débat d’il y a un siècle, les positions de Lénine, Trostky, Martov, Plékhanov et Parvus, et vous constaterez leur incroyable actualité.
Quelles seront les prochaines étapes de la révolution arabe, en Tunisie, en Egypte, en Algérie, en Libye, au Maroc et ailleurs ? Y aura-t-il approfondissement de la révolution ou bien sera-t-elle un épisode plus ou moins long entre deux régimes autoritaires, entre deux périodes réactionnaires ? Personne n’en sait rien. Il n’y a jamais de certitude, d’assurance et de garantie de la victoire avant le début de la lutte.
Notre seule certitude est la suivante, nous connaissons seulement les revendications et le programme de toutes les révolutions démocratiques. Ce sont les libertés démocratiques élémentaires, la liberté de manifestation et d’organisation, le pluralisme politique, la convocation d’une assemblée constituante souveraine et l’organisation d’élections libres.
http://www.convergencedesluttes.fr/index.php?post/2011/02/20/LE-PRINTEMPS-DES-PEUPLES-ARABES
http://www.fischer02003.over-blog.com/article-le-printemps-des-peuples-arabes-67678890.html
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